Feuillet des journées portes ouvertes du 22 et 23 juin 2019, composé par Charles Garcin

 
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Derrière les arcades de la rue de Rivoli, se cache le travail d’une artiste dans son atelier, étrange mélange, dans ce quartier à bureaux, de poupées russes et de coffret à bijoux. “Une oeuvre d’art peut en cacher une autre”, pourrait-on lire sur le sourire pincé mais rieur de Pauline Hersart, qui nous accueille dans son espace de création. Des corps - plus ou moins entiers -, des vêtements, se joignent à une palette d’objets interprétables du quotidien ou bien interprétés, comme dans un jeu de miroirs où au plaisir de paraître Autre sur un reflet déformé, répond l’angoisse de s’y surprendre, révélé(e). Une galerie de portraits, en somme, de selfies en libre service, de rébus nous renvoie à l’image de tout(e) un(e) chacun(e), chaque pièce en correspondance avec une autre, comme une image fragmentée.

Une succession nominale d’artistes femmes accompagne la contemplation du travail de Pauline Hersart : de Maya Deren (Meshes of the Afternoon​), à Louise Bourgeois, sans oublier Annette Messager; (​Les pensionnaires​), pour ne citer qu’elles. La composante féminine de son travail est essentielle. Sans être exclusive cependant. Si Duchamp n’est pas explicitement cité, Pauline s’approprie les gestes du ​ready made​, objet saisi tel quel en modifiant les codes de sa perception, et le jeu du calembours, dans un style détonnant dont elle fait son étendard.

Grappe de raisin égrainée, pantalons démesurés, pneumatique pour enfant en piscine, cols de bouteille de champagne polyépoxydés, tous renvoient à une société de consommation matérielle autant que symbolique.

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Dans l’oeuvre ​Paire et Maire​, à l’anthropomorphisme d’un cadre qui rappelle les dimensions d’un matelas, se superpose la ligne noire d’une balance soumettant à leur gravité deux objets incongrus : un fruit de vigne évidé, dont les deux graines intactes soulignent, par contraste, leur potentialité ; le corps plein d’une forme abstraite, aussi proche des châteaux d’eau pris en photo par les Becher, que des vasques antiques ornemantales, religieuses ou funéraires.

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La Tisserande​, série de deux ‘tableaux’ en trois dimensions, s’inspire lui aussi de l’esthétique du reliquaire. L’image équivaut la chose réelle, dont la composition - ou mise en scène - transcende la perception physique d’un objet au profit d’une idée. C’est un vocable constant du travail de Pauline Hersart. Ici, deux sexes mâles, comme un Janus aux deux visages, sont sublimés de cheveux blonds, noués, tressés, selon un savoir-faire ancestral. La cire, familière de l’univers anatomiste médical, du cabinet de curiosité, rejoint la statuaire sacrée des églises où l’érotisme des métonymies corporelles, dévoilées, occultées, annule, entre attirance et répulsion, toute tentative d’opposition chaste ou sexuée, entre l’homme et la femme.

Le blanc religieux, synonyme de pureté, se fond à sa valeur moderne et hygiénique, celle du White Cube, de la céramique de laboratoire ou de l’urinoir, surface de projections.

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Venus,​ dont on peut voir à l’atelier le prototype, véritable ‘femme fontaine’, et dont le buste surplombe un équipement public desservant en eau un village de Toscane, en Italie, se donne sans recevoir, pour étancher la soif des passants.

Tout est question de fluides dans le travail de Pauline, peut-être ceux, intangibles, du regard.

Charles Garcin, ​Curateur